- Je me disais: je vais construire un bout de route dans un coin perdu, qui commence et qui finit nulle part.
- Et il ne restera plus qu'à parachuter une autostoppeuse. Pour bien faire.

- On ne sait plus où marcher.
- On ne sait plus où voler.
- On ne sait plus où jouer aux boules, où bronzer.
- On ne sait plus où rêver.
- On n'est plus si sûrs que l'horizon soit horizontal.
- On ne sait plus où l'on pourrait savoir.

Automne, donc.
Automne de pluie comme ce soir.
Automne de suie comme cette nuit encore débutante.
Il y a quelques jours, le grand virage des feuilles se préparait, pleines de vie, fluides et dorées autour des rudes pentes.
La marche, la marche, la marche, toujours la marche de l’œil. Du nez, aussi. Des oreilles.
Exister sans avoir besoin d'être.

[Album]

Je me sens simple marcheur. Simple marcheur qui aura, dans quelques jours, le privilège précieux de poser encore quelques pas entre cols, combes et sommets. De prendre des photos. Je me sens lambda, je me sens papa, je me sens... là.

Je me sens, pour le coup, français. Cela sonne étrangement. Comme entre un refuge et une zone d'exposition aux éléments, au bord d'un chemin de montagne. Quelque chose d'à la fois choisi et pas choisi, et de confortable malgré tout. Je me réjouis de ces murs qui ont le mérite d'être là, je ne fais pas la fine bouche, j'oublie un peu ce qu'ils cachent parfois de vides et d'ombres. Le refuge est glacial ce soir, il faut s'y tenir chaud, les yeux ouverts. Français, mais en tant qu'habitant humble et ouvert du monde.

Que les photos de montagne demeurent devant les autres images, que ne se lézardent ni l'envie de vivre ensemble, ni l'aspiration démocratique, ni la compassion, ni la détermination.

Terribles équilibres des altitudes comme des plaines urbaines.

Photo: Hervé Gourdel

- Y'a l'retour du poil...
- Et celui d'la guerre...
- Y'a l'retour des blondes!
- Et le départ des ours blancs.
- Les frites sont plus ternes en revanche.
- Y'a l'retour des huiles...
- Y'a plus d'yoyo.
- Y'a vraiment plus d'saison.
- Elles font le yoyo, comme en hommage.
- Ou alors y'a une saison qu'y avait pas.
- L'étiver. Le prété. L'hiaumne. L'hybride abattue.

- T't'es pris un râteau, non?
- Non, mais non...

- Vas-y d'abord.
- Non, toi.
- Non, toi.
- Non, toi.
- Non, toi.
- Mais puisque t'es morte!
- Toi aussi tu l'es!
- Fantôme bouilli!
- Citrouille difforme et sur-cuite!
- Épave à mayo!
- Cadavre-vinaigrette!
- Cardinal pustuleux et rampant!
- Bouche à incendie!
- Pierre-ponce!
- Ponce-Pilate!
- Vierge prude!
- Œil de Moscou!
- CoquelicOGM!
- ...

- Vivement qu'on nous mange, hein..?
- Ouais.

- T'as un moment?
- Ben, oui...

Passent les aiguilles et deux trois coups de ciseaux.

- Merci pour le moment.
- De rien, vraiment...
- D'habitude j'ai une phobie envers les bons moments, mais là, rien.
- C'était pas un bon moment?
- Je vais penser à cette question. Et l'écriture a toujours été ma façon de penser.
- Ah? Et pour les lecteurs? Enfin, s'il y a des lecteurs?

- 'Tention, je dégoupille !