- T'as pris le jus?
- Non... j'ai touché que l'ombre.
- Et c'est moins dangereux, le jus d'ombre?
- Oui. On voit pas qu'on se fait mal. Puis on voit pas qu'on souffre.
- Et quand l'ombre disparaît?
- On se met dans le noir et on oublie très fort.
L'oeil crie - Page 24
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Le jus [Dialogue de l'oeil n°15]
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Quelle phrase bizarre [Dialogues de l'oeil n°14]
Je l'ai vue. Deux fois. Elle chantait. Elle n'arrêtait jamais. Son sourire était large, et d'une finesse troublante, persistante. Les pommettes bien sur Terre, taquines.
Un monde à elle, une chaire de poule sur le globe, de joie. Gracieuse, emportée par les notes et campée, campée si ferme; Entre deux chansons, délassée et timide, disponible et radieuse. -
L'oeil ailleurs (clic)
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Tiens tes paroles [Dialogue de l'oeil n°14]
- Tu vois la montagne, là-haut ?
- Oui.
- Et bien... j'irais volontiers m'y planquer...
- Tu crois qu'on se planque, toi, là-haut ? T'es un marrant... toi ! Tu te dilues sans cesse de partout dans le clapotis et tu penses que là-haut on se planque ?!
- Enfin, moi, ce que je dis...
- Tu vois, tu te dilues encore... Mais purée, tiens tes paroles ! Tiens-les ! C'est ça, qu'elle t'apprend, la montagne. N'importe quelle connerie est vraie, en soi, où en tout cas elle permet de trouver quelque chose de vrai, quitte à reprendre le chemin en sens inverse. Cela peut-être une méthode, la connerie..
- ...
- Tu veux pas, hein ? Tu préfère toujours te planquer ?
- Non... je te suis déjà.
- Alors viens... on va se perdre... -
Le renouveau [Dialogue de l'oeil n°12bis car il n'y aura pas de 13]
Tu vois. Tu reconnais.
Et alors? Quel privilège a une image entrant dans un oeil pour la seconde fois ?
Un côté droit au but, porté directement sur ce qui émouvait déjà; un côté porteur de sens qui va remuer les échos, les références et interférences avec la nouvelle situation, comme une bèche pour aller retourner la terre. Deux côtés pour fouiller la découverte, gagner la profondeur de la connaissance, une intimité qui répond à la compréhension, et enchaîne le fil de questions douces et précises.
C'est riche, le renouveau, parfois plus que le nouveau.
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Et si tu pondais un oeuf ? [Dialogue de l'oeil n°12]
- J'ai qu'ça à fout' !
- Non... mais... imaginons !!!
- J'ai qu'ça à fout' !
- Tu veux pas faire... un effort ?
- J'ai qu'ça à fout' !
- Bon, et bien je vais me promener..
- T'as qu'ça à fout' ?!
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Elle pourrait [Dialogue de l'oeil n°11]
Le trajet du vent s'annonce à la feuille. Elle s'agrippe au sol par ses extrémités racornies.
Puis l'oeil lit son mouvement. Saccadé, crispé, appelant le sol au secours, griffant.
L'oeil pense qu'elle pourrait chanter, un de ces jours.
[Et si vous chantez ça fera presque un dialogue]
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Pour une correction de la vue efficace et peu onéreuse...
Et ben c'est clair, ce qui est bon signe. C'est bien, l'oeil, quand même...
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Un ange passe [Dialogue de l'oeil n°10]
Il y a un ange qui volète autour de moi.
Je le sais. A peine cependant si je devine son souffle. En ce moment le vent est fort, le sien est... inaudible.
Il est là, à se préserver de mon regard. Cela a quelque chose de facétieux et de gentiment attentionné. De désuet aussi. C'est son côté doré en plâtre, ignorant sa chair.
Il ne se pose pas. Ce serait trop doux, il se trouverait instantanément dilué.
Ses ailes se dispersent; ne me reste que l'eau pour poser les yeux.
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Il faut tout voir [Dialogue de l'oeil n°9]
Deux hommes scrutent son étendue, le corps
penché en avant jusqu'au nez.- Il faut tout voir !
Dit le premier.
- Oui, il faut tout voir...
Dit le deuxième, craignant d'ignorer une goutte que
l'autre aurait distingué.- Et quelle profondeur de champ...
Reprend le premier.
- Et nous en voyons tout ce qu'il est possible...
Conclut le second.